Aujourd’hui, je vais évoquer un ouvrage qui ne fut pas simple à comprendre. Il s’agit de « Héliogabale ou l’anarchiste couronné » d’Antonin Artaud. Je ne connais pas grand chose d’Antonin Artaud. Ca n’a jamais été un « intime » dans mes lectures. Avant de m’attaquer à ce livre, j’avais déjà lu quatre de ses œuvres L’ombilic des limbes (mon préféré), le Pèse-nerfs, le théâtre et son double et « Pour en finir avec le jugement de dieu » Les deux derniers ont été long à comprendre. Je chipote mais j’ai mis deux mois pour bien comprendre « Pour en finir avec le jugement de dieu » Bref, vous l’aurez compris, je ne suis pas à l’aise avec Artaud. Malgré tout, cet écrivain me fascine. Quand on a été capable d’écrire l’ombilic des limbes, on est capable de tout. .
Lecture rapide impossible pour moi.
Je ne sais pas si ceux qui ont la maîtrise de la lecture rapide, l’appliqueraient pour cet ouvrage. En ce qui me concerne, c’est impossible ! Son écriture est chargée de ce « petit plus » qui vous donne l’envie de déguster chaque mot. Pour « Heliogabale » je ne comprenais pas tout à sa première lecture, mais le style de l’auteur me donnait l’envie de ne pas lâcher. Alors j’ai embarqué le challenge dans ma besace et j’y suis allé! Lire Artaud en lecture rapide, ce n’est pas pour moi. On n’est pas sur la lecture d’un vulgaire Bussi ou du Paris-Normandie. On s’accompagne d’un chef d’œuvre littéraire. Ca m’ a demandé 6 mois !
La méthode
J’ai, dans un premier temps, tout lu d’une traite en annotant ce que je ne comprenais pas (et, c’était bien fourni au point d’acheter un autre ouvrage pour avoir quelque chose de propre en relecture). C’était l’occasion pour moi de m’accaparer du style d’Artaud et de l’ambiance qu’il a bien voulu construire dans cet ouvrage. Ce n’est pas simple de lire un ouvrage dans lequel vous ne comprenez pas tout. Il y a néanmoins une chose que l’on devine immédiatement, c’est la violence de l’œuvre.
Motivé par le besoin de tout comprendre, j’ai mis le livre de côté un peu comme quand vous confectionnez un gâteau dont la recette demande à ce vous laissiez la pate se reposer. Un mois après cette première lecture, je repris l’ensemble de mes annotations. Il faut savoir que ce livre fait partie de la littérature sauvage comme l’explique bien Jean-Marie Gustave Le Clézio » Ce livre envoûtant, le plus construit et le plus documenté des écrits d’Antonin Artaud, est aussi le plus imaginaire. Qui n’a pas lu Héliogabale n’a pas touché le fond même de notre littérature sauvage. »
La dissection
Alors, pendant 4 mois, j’ai tenté de dompter cette œuvre fascinante en jonglant entre les références historiques qu’il fallait connaître et approfondir et avec le ton si « Artautique » d’Antonin. C’est à petite dose que j’ai réussi à réunir les informations nécessaires pour arriver à trouver non seulement un ancrage dans l’œuvre mais, et surtout, pour m’embarquer dans le véritable message d’Artaud envers l’humanité : Le paraître, le réel et l’imaginaire. La vie étant l’équilibre que nous faisons de ces paramètres faisant de nous, une unicité parmi les autres !
Puis, au sixième mois, j’ai relu l’ouvrage d’un trait. Une journée et une partie de la nuit. La boucle était bouclée. Ce fut une démarche spéciale pour moi. Je me doute que je ne suis pas le seul à l’avoir pour certains ouvrages historiques, mais dans le cas d’ héliogabale, cela reste une exception puisque ce n’est pas une œuvre à proprement dit historique. Après avoir lu ce livre, j’ai mis un certain temps à me remettre à lire des romans. Héliogabale reste une expérience de lecture très instructive et dérangeante pour moi. Sa lecture reste aussi l’un des meilleurs moments que j’ai pu rencontrer avec un auteur comme avec « W ou le souvenir d’enfance » de Pérec et « l’arrache-cœur » de Boris Vian. Ces deux derniers ouvrages restèrent longtemps des livres de chevets. Heliogabale, non. Je l’ai relu récemment. 20 ans après la démarche expliquée ici. Avec les années, je pense qu’Artaud est un géni artistique que l’on rencontre très rarement dans sa vie. Ainsi, si l’envie vous prend de lire cet ouvrage et que, comme moi, vous manquez de niveau à la base, lisez-le quand même. Vous serez déstabilisé, peut-être abandonnerez-vous sa lecture. Et si, tout comme pour moi, vous avez ce déclic pour décortiquer cet ouvrage, vous ne le regretterez pas !
Fredéric Quillet
L’histoire d’Héliogabale
Voici l’avis d’une internaute qui me correspond tout à fait. Et comme je suis un gros « relou » fidèle du moindre effort, je vous laisse à son expertise. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce n’est pas l’histoire qui m’a donné envie de faire son étude (plutôt de le comprendre -voilà que je m’exprime comme un bobo Parisien- faudrait que je fasse gaffe quand même).
« Difficile de faire un essai sur un personnage tel qu’Héliogabale. Celui qu’on a voulu faire passer pour un être pervers et sanguinaire l’était-il réellement ? Extravagant, certes, il était connu pour ça. Mais cruel ? Les Historiens en viennent à se dire qu’on a voulu le faire passer pour, comme le dit Artaud, un fantoche, afin de privilégier son cousin, Alexandre Sévère. Encore une fois, tout n’est qu’une question de politique et, surtout, de religion. Car Artaud le met bien en relief ici. Héliogabale voulait faire un culte unique, un culte solaire… autre décision qui passera pour une excentricité.
Si le texte est plutôt complexe, ne nous voilons pas la face, il reste néanmoins très intéressant. Sous la plume d’Artaud, le personnage prend une dimension nouvelle. Cet essai permet également de mieux connaître cette période durant laquelle la décadence et la luxure régnèrent. »