Chapitre 4 : Avant la sieste
S’ il y a une activité qu’un écrivain raté veuille absolument entretenir, c’est la sieste. Ultime instant délectable. Notre romancier connaissait bien les symptômes qui préfiguraient le p’tit roupillon de l’après-midi. La morne saison dans laquelle l’humain est emberlificoté au moment du troisième cadran de l’an 2022 encourage ces moments privilégiés. Certains peuvent effectuer plusieurs siestes en une journée. Tout dépend des individus.
Tenons-nous à la vie lorsqu’on pratique le mini-sommeil ? Bien évidement. Si Claude François avait fait une sieste dans son lit au lieu de prendre un bain, peut-être aurait – il été la vedette du concert de soutien pour la libération de Jean-Luc Lahaye au lieu de se faire électrocuter comme une passoire à vaisselle ! On ne sait pas. On progresse dans l’écriture quand on fait la sieste. Dans le cas de notre écrivain, c’est un peu tard, mais il peut toujours essayer. Les miracles existent même dans la rue Sainte-Hildegarde. La sieste vous plonge dans un silence méditatif. Elle permet aussi de faire le point sur le vide sidéral que votre empreinte carbone inutile pèse sur l’humanité. Tenez, voilà une idée : Et si nous éliminions toutes les personnes inutiles pour baisser l’empreinte carbone ? Ce serait bon pour la planète. Il faudra que j’en discute avec Sardine Rousseau la ténébreuse!
Penser que la sieste est une activité inutile est d’une sottise qui dépasse l’entendement. Ce sera prouvé dans le chapitre 5 écrit après la sieste. En attendant, il faut s’armer de patience comme Plutarque le moraliste qui écrivait plus facilement après une bonne sieste. Il était connu comme un excellent concepteur d’épithalame, sombres textes vouant des louages hypocrites aux futurs époux remerciant le ciel de les avoir fait se rencontrer. Le plus connu de la liste était Apollinaire. Tout comme eux, l’écrivain se réveilla de sa sieste et écrivit une épithalame en extrapolant son mariage avec sa voisine.
» C’est ce jour bénit de Juin
« fil dentaire » s’est unie à son voisin
Et le voisin s’est uni à » fil dentaire »
Ils ne font désormais qu’un
Et dès lors ils sont ensemble
comme cat woman et Batman
Et comme la feuille au livre
Le pied et le ballon
la gourde et la bouche
la plume et le raisin
L’hôpital et le formol
la madeleine et Marcel Proust
Et la semoule et la pantoufle
Désormais l’astre dominant est le soleil
Et le ciel bleu, l’éternité
Oublions les aiguilles des ronrons planétaires
Soyez féconds comme la tornade et le broullard
Et que la coquille blanche de l’étoile du berger vous salue !
L’écrivain se sentait fier de son épithalame. C’était le premier. Un travail de fou épuisant notre auteur qui sombra dès le texte terminé dans une mélancolie inexplicable. Se sentant inutile pour cette journée, il partit dormir emmenant ainsi son vague à l’ame dans des rêves insensés.